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octobre 20th, 2013

Faut-il avoir peur de l’évaluation ?

Vos ouvrages sont traduits dans d’autres langues. Comme expert international vous intervenez dans de nombreux pays , y a-t-il des travers français dans les pratiques d’évaluation ? Qu’est-ce que d’autres pays auraient à nous apprendre ?
Il me paraît incontestable que, comme le titrait Le Monde du 24/09/11, la note est une « religion bien française ».
Le terme de religion est peut-être d’autant plus approprié que la notation de 0 à 20 a été inventée par les jésuites, au milieu du XVI ième siècle, pour les besoins d’une pédagogie destinée à forger des « âmes » catholiques.
La note est un outil bien adapté à un système privilégiant l’émulation, en vue de repérer et de dégager une élite.
Mais, si l’on remet en cause cette tradition élitiste, pour se préoccuper des apprentissages effectués par le plus grand nombre, alors l’obsession évaluative, qui n’est que l’autre face de l’obsession de la concurrence compétitive, perd une grande partie de son sens. Et l’on ne peut qu’être attentif aux leçons des pays qui, comme par exemple ceux de l’Europe du Nord, ont refusé l’évaluation précoce, la notation chiffrée, le redoublement, et la mise en concurrence des élèves et des écoles , et qui obtiennent pourtant (ou : grâce à cela ?) d’excellents résultats dans les enquêtes PISA successives. Comme l’on ne peut qu’admirer les efforts faits par un pays comme le Brésil pour développer des pratiques d’évaluation formative, utiles au plus grand nombre, et en particulier aux plus démunis. C’est d’ailleurs cette quête de modèles d’évaluation utiles au plus grand nombre, dans le sens de ce que j’ai appelé une « évaluation démocratique », qui explique l’intérêt éprouvé par les éducateurs brésiliens pour les travaux francophones portant sur l’évaluation formative. Ce qui montre que s’il existe de forts travers dans les pratiques françaises d’évaluation, on peut y trouver aussi, chez des praticiens ou dans certains courants novateurs, matière à réfléchir et à progresser !

Extrait de l’interview dans les cahiers pédagogiques de Charles Hadji